Quand avez-vous été curieux pour la dernière fois ? Qu’est-ce qui « excite » votre curiosité ? La curiosité est un art souvent emprunt de poésie. On regarde, on écoute, on questionne. Rares sont les enfants à s’y refuser. Ce qui peut déranger certains et leur faire dire que c’est un défaut. « Tu sauras quand tu seras grand ». Si le préjugé peut nous leurrer, elle vient nous chatouiller et nous enseigne sur nous-mêmes.
Soulever les pierres
Soulever les pierres, ouvrir les tiroirs. Regarder de près, à la loupe ou de côté. Faire le chemin à l’envers.
Quand nous apprenions la grammaire, plutôt que des règles secrètes, l’observation des régularités de la langue montrait que la conjugaison des verbes doit peu au hasard.
Ou bien, en lisant une œuvre littéraire, aller en chercher les clés dans les allusions ou les évocations était bien plus amusant que d’en étudier la construction froide.
Démonter le réveil pour en comprendre le mécanisme.
Hier, j’étais avec mes étagères admirant dans l’apparente simplicité l’art des emboîtements et du vissage.
Exciter la curiosité
Si je n’aime pas l’intrusion non désirée dans mon intimité et si l’éthique appelle au respect, la curiosité du Monde est un joli moteur.
On dit qu’on la chatouille, qu’on l’aiguillonne, qu’on l’attise, qu’on l’éveille ou la pique. C’est donc affaire de sensations et de stimulations. Il faut être touché au sens propre ou figuré. Touché pour s’interroger.
L’autre jour j’admirais la toile de l’araignée suspendue magiquement par un fil depuis un arbre et tissée depuis les branches du romarin. Attendant un peu, j’ai pu assister au « festin de l’araignée » capturant et dévorant un pauvre insecte. De ce spectacle morbide mille questions venaient.

La beauté géométrique de la toile, la force de l’instinct, la résistance d’un fil si fragile au vent.
Alors, une vie sans surprise, une leçon sans étonnement serait triste. Mais l’on peut s’étonner d’apparemment peu. Une table de multiplication, une musique et ses instruments, un comment plutôt qu’un pourquoi et le grand livre est ouvert.
Sans curiosité pas de sérendipité
Savoir faire une découverte inattendue, c’est laisser la porte ouverte à la surprise mais chercher à comprendre. Une expérience fait surgir un résultat inattendu, peut-être dans un autre champ que la recherche initiale. Mais la disponibilité d’esprit, la capacité à regarder et essayer vont ouvrir de nouveaux espaces.
La littérature ou la poésie, quand elles sont de qualité, ont cette capacité à nous permettre de dépasser le confort d’un récit balisé ou d’images « jolies » pour élargir nos perceptions et notre compréhension du monde et d’autrui.
Un artiste n’est pas là pour répéter toujours la même chose, mais apporter sa touche, sa couleur… celle qui questionnera, troublera, sera peut-être subversive !
La curiosité n’a pas de gourou, elle est aussi « poil à gratter »
Tu dis ça, mais… La curiosité aime déranger l’ordre établi qui peut se trouver même dans la posture du contestataire. La curiosité accepte d’avance d’avoir pu être prise au piège du leurre, du biais cognitif, du miroir aux alouettes. La curiosité est humble mais insatiable. Elle ne se satisfait pas de la langue de bois.
Curiosité de toi, de soi
La curiosité bien placée de l’autre est l’attention bienveillante. L’expression de la fraternité, de la solidarité, l’empathie sont une forme de curiosité active du ressenti de l’autre.
Je suis curieux de savoir ce que tu deviens, curieux de découvrir ce que tu fais, ce que tu écris, ce que tu ressens non par voyeurisme mais pour apprendre de toi et peut-être aussi alors savoir me rendre utile.

La curiosité de soi, c’est une façon de s’inquiéter de soi-même, de sa façon d’être au monde, en réceptivité, en accord avec ses besoins et ses valeurs. Comment je m’y prends face à un problème ?
Comment je me fonde sur mes expériences passées pour ne pas répéter les mêmes erreurs ?
Conclusion provisoire !
Bien sûr, il y a les cabinets de curiosité, où l’on va chercher le bizarre quand la vie manque parfois de sel. Mais peut-être aussi, une façon de vivre en curieux, c’est d’être dans le présent, à la fois disponible pour pouvoir se centrer sans stress… ce qui veut dire savoir ne pas céder aux multiples stimulations qui brouillent afin de ne pas manquer le détail, ou de pouvoir encore, dans un autre mouvement, prendre le temps du recul pour goûter la perspective, voir les liens, le système qui relie et allie les éléments entre équilibres, interactions et points de ruptures…
Alors l’incertitude fait moins peur… oui la curiosité est source de bonheur !