Je suis perfectionniste mais je me soigne

J’ai longtemps exercé des métiers où il s’agissait d’être exemplaire. Relire, vérifier, rendre une copie propre. Combien de fois élève, ai-je repris à zéro une feuille pour une rature ? Aujourd’hui si j’ai appris à lâcher prise, il ne faut pas longtemps pour que surgissent les vieux réflexes. Entre défi à relever, goût du travail bien fait et mise idiote en compétition avec moi même par crainte de faire mauvaise figure, je peux me surprendre à me piéger tout seul. Mais au moins, je regarde ça avec ironie et je retrouve l’équilibre…

Top ou nul.

Plutôt très bon en français, j’ai décidé d’arrêter les mathématiques au deuxième trimestre de quatrième. Je ne comprenais pas, j’avais un prof revêche, je me suis mis à avoir honte, les copains ne parlaient que d’axiomes et d’algèbre… J’ai réussi à devenir bachelier du premier coup avec mention mais avec les maths, c’était plus que de la procrastination. J’ai adopté la posture du cancre qui est douloureuse en réalité. Seul un prof de maths, en première, m’a passionné avec des histoires de probabilités. Je suis passé de 3 à 15 de moyenne en un trimestre.

En Histoire a contrario, je me mettais le doux défi au lycée d’arriver en tête. J’étais passionné. Je lisais et faisais au delà de ce qui était demandé.

La prof d’anglais avait justement repéré que mon souci de perfectionnisme me piégeait. Car notamment dans l’apprentissage d’une langue, il faut oser se lancer, se tromper, ne pas être parfait pour progresser…

Le syndrome de l’imposteur

Il a dû roder un peu tant lorsque j’étais formateur qu’inspecteur. Ce n’est qu’au bout de quelques années que je compris que mes collègues n’étaient pas meilleurs que moi et que leur assurance n’était souvent qu’une apparence.

Ce n’est qu’en grattant un peu, en cherchant à mon tour, en apprenant, que je découvris qu’il y avait dans les « plus hautes sphères » de sacrés imposteurs… notamment quand je les vis sans vergogne s’approprier mon travail.

Il n’empêche, j’ai quasiment tout au long de ma carrière veillé à ne pas être en reste, jamais en retard ou en défaut. Et souvent c’était trop.

Même retraité !

Retraité, soudain maître de mon temps, je me suis soudain presque senti comptable de devoir l’optimiser. Point de repos ! Rentabilisons chaque quart d’heure en ne laissant plus croire que le retraité est un glandeur qui partage son temps entre grasse matinée, mots croisés et promenades en bord de mer !

J’ai donc réussi l’exploit de me mettre en burn out ! à la retraite !

Lâcher prise ?

C’est à la mode ce terme là. Lâche donc prise, ne va pas te faire souffrir, cesse donc de culpabiliser…

Perfectionniste ? Je le vois au moment où par exemple j’organise un déménagement. Il faut que mon dossier soit top, que les check-lists soient précises, que j’aie anticipé, vérifié, étiqueté… Tout cela est très bien…

Mais par exemple, je me suis surpris ce matin à descendre moi-même des meubles lourds que je donne au risque de me casser la gueule dans l’escalier.

Bien sûr, j’étais content une fois le travail fait. Tout est prêt… mais la dame au téléphone avait pourtant dit que les gars pourraient monter à l’étage et descendre eux-mêmes les meubles… Mais non, il a fallu que j’allège leur tâche tout en veillant à ce que les meubles soient parfaitement propres, bien alignés et rangés pour l’enlèvement.

J’aurais tout à fait pu me prendre un canapé sur la figure et j’ai transpiré à la limite du raisonnable…

Perfectionniste ? Si j’ai abandonné l’idée de suivre les statistiques de ce site d’abord par respect pour les visiteurs, je reste obsédé par l’idée que ce site réponde aux normes de performances. Pas qu’il obtienne la note B ou n’importe quelle note A mais bien d’avoir 100% de réussite partout ! Le diable se logeant dans les détails et le mieux étant l’ennemi du bien, je me suis retrouvé plus d’une fois pour faire mieux, à faire pire et perdre un temps fou pour pas grand chose ! Note positive, j’ai un peu appris…

Autodérision et bienveillance

J’ai deux remèdes : l’autodérision et la bienveillance.

Autodérision quand je peux me moquer de mon art parfois à me compliquer les choses. Il fut un temps où j’étais le chiffon à la main dans la maison, au bord de la maniaquerie désopilante.

Et j’apprends la bienveillance… avec moi comme autrui et la patience et à savoir distinguer les imperfections de détail et ce qui compte vraiment (pas grave la griffure légère sur la porte de l’auto, plus grave le pneu qui fait souci).

En réalité, le perfectionniste doit faire gaffe à hiérarchiser les problèmes et les besoins… si détails et ennuis graves sont sur le même plan, quel enfer !

Sans céder à la négligence, j’essaie, j’apprends, je dis plus facilement quand je ne sais pas faire ou que je n’y arriverai pas. Je ne cède plus à la culpabilité. Tout à l’heure je suis allé chez le vétérinaire régulariser une démarche administrative. En arrière plan, il y a peu encore, j’aurais pu culpabiliser. Mais j’ai réussi à renverser la vapeur, j’ai fait ce que je devais…

Faire ce que l’on doit sans se mettre en danger, faire sans nuire, faire en faisant attention à l’autre …

Surtout ne pas se torturer : sécuriser mais partager, dialoguer, demander des explications… La plupart du temps, si on est sympas avec les gens, ils le sont avec vous.

Et se féliciter ! J’ai déjà pas mal abattu de mon projet et j’avance. Bon tempo, bon contacts… on avance, on avance !