Les petits objets envahissants

Publié le Catégorisé comme changer de vie
Modification

Ils sont là. Tels des insectes parasites planqués au fond des malles, des coffres, des tiroirs, dans les recoins des placards. Ces petits objets qu’on pensait avoir oublié ou jeté depuis longtemps. Ce sont les pires du déménagement. Ils me regardent, attendant mon verdict.

Collections disparates et enfantines

Dans un bocal, les petits cailloux de la plage me narguent. Mais je vais bien savoir en laisser… Plus difficile, billes, agates et calots non pas venus de mon enfance mais parfois confisqués, parfois achetés en cachette. C’est comme les petites voitures. J’en avais petit une merveilleuse collection que ma sœur refila à son chéri d’alors. Crime impardonné ! Celles que j’ai me furent offertes en consolation… Je garde ? Oui.

Plus bizarres, les images pieuses, les fanions et insignes de guides de France me viennent de ma mère. Certains se sont perdus. J’ai jeté un étui moche. Je n’ai toujours pas jeté le dernier paquet de clopes qu’elle n’a pas terminé… J’hésite.

Est-ce que ça me fait plaisir de garder ça ?

Ce ne sont pas des trucs utiles. Même pas vraiment à la mémoire. La vraie question est dans le plaisir. Est-ce que j’ai du plaisir à garder et regarder ces objets ?

Il va falloir que je revienne à la charge avec courage…

Je commence par ce qui est facile. J’avais déjà trié les vêtements, je peux revenir à l’attaque. Il y a ces ustensiles de cuisine, ces accessoires, ces trucs, ces machins et bidules dont on ne sait plus toujours à quoi ils servent ! Dehors !

J’ai progressé. Plus de bouchons, de couvercles, de boites en plastique errant orphelines, plus de briquets… Il reste bien encore de ces produits ménagers variés, à usage précis et si rarement convoqués…

Mais quand même, l’art pervers de ces objets est de venir s’infiltrer, squatter, s’imposer et te regarder d’un air sardonique. On est là !

Alors j’élimine encore. Non, je n’en aurai pas besoin. Pas utilisés depuis cinq ou dix ans ? C’est adieu !

Et du coup, le plaisir c’est de s’en débarrasser : recyclage ? don ? poubelle ?

Les survivants

Ils m’épatent ceux qui ont réussi à tenir les 24 déménagements. Qui se sont incrustés mieux que sparadrap. Quelle ténacité peuvent avoir certains objets !

En voilà qui s’arrangent pour vous coller grâce à la culpabilité : il y a ce vieux fond de miroir usé, abîmé… le garder ? vraiment ? Je l’aimais bien mais… il n’est plus présentable. Oui, il date du temps de… mais alors ?

Je progresse, je peux mieux faire encore…

Tiny House

Et si je devais vivre dans une toute petite maison, dans une pièce, une cellule de moine, une cabane au fond d’un bois, une Tiny House ? Il me faudrait être encore plus sélectif. Zen !

la maison
« Free wooden kitchen image« / CC0 1.0

J’ai progressé. Mais j’ai été un peu lâche avec les vieux trente-trois tours…

L’étau de la culpabilité

Entre les regretteux avec la rengaine imparable du « ça peut toujours servir » et ceux qui invitent à s’alléger à tout prix, entre la peur d’envoyer à l’oubli le souvenir qui va avec l’objet et le courage de se dire que ce qui est important restera toujours en mémoire… se libérer de la culpabilité c’est aussi croire en la chance de l’aventure, de la rencontre… mais aussi de se penser en liberté. En marche ! (non, non c’est pas politique !)

Je me suis demandé l’autre jour, ce que cela me ferait si tous mes objets disparaissaient. Y compris les gros. Et peut-être pas grand chose…

Mais encore une fois, ce qui est surprenant, c’est la force de ces petits objets, de ce petit désordre, de ces petits machins à venir te coller. En plus, rien de plus pénible à trier et ranger dans les cartons. Avec quoi ? avec quelle étiquette ?

Entre contrôle et lâcher prise

Lors d’un déménagement quand j’étais petit, j’avais vu les déménageurs emporter jusqu’aux mégots dans les cendriers….

Certains objets vont réussir à passer outre mon contrôle. Et ce n’est pas si grave. À l’arrivée, je pourrai encore me montrer sévère… ou débonnaire si je sens que la présence de certains petits objets m’aidera comme des doudous à me rassurer dans le futur univers…

Vincent Breton

Par Vincent Breton

Vincent Breton auteur ou écriveur de ce blogue, a exercé différentes fonctions au sein de l'école publique française. Il publie également de la fiction, de la poésie ou partage même des chansons !

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